Lou Miyazakou
Pas plus tard qu'il y a 3 jours, j'ai regardé sur NHK (la télévision publique japonaise) un documentaire d'une heure sur Hayao Miyazaki.
Qui ne connaît pas le grand Hayao Miyazaki ? Oui qui ? Qu'il ou elle se dénonce pour que sa punition soit la moins sévère possible ! Condamnation à regarder au moins 3 films du maître enfermé dans le salon, assis sur le canapé et le son à fond.
Peut-être que si je vous dis "Totoro", Le château dans le ciel", "Porco Rosso", "Princesse Mokonoké" ou encore "Le Voyage de Chihiro", ça évoquera quelque chose. Toujours rien ? Alors je vous envie, car il vous reste à découvrir un gros paquet de chefs-d'œuvres de l'animation japonaise !
Vous l'aurez compris, Hayao Miyazaki (Lou Miyazakou pour les intimes) est le réalisateur des films cités plus haut.
Il a commencé sa carrière comme animateur et s'est fait la main sur quelques séries animées (Conan le fils du futur, Sherlock Holmes...). Son 1er long métrage (excellent déjà) fut "Le Château de Cagliostro" (1979) avec le fameux personnage de Lupin le 3ème (Lupin Sansei). Miyazaki avait déjà travaillé sur des épisodes des 2 premières séries animées de Lupin.
Le succès national viendra en 1984 avec son film suivant : "Kaze no tani no Nausicaa" (Nausicaa de la vallée du vent, sorti récemment - enfin - au cinéma en France). Succès tel que le film sera édité eux USA, mais par de véritables criminels qui vont couper plus de 30 minutes des plus belles scenes contemplatives pour ne garder que les scènes d'action. La superbe musique de Joe Hisaishi sera carrément supprimée et les dialogues complètement modifiés ! Avec le titre "Warriors of the wind", la jaquette de la VHS fera plus penser à un énième B-movie qu'autre chose ! C'est hélas cette version qui attérira dans les vidéoclubs français sous le titre "La princesse des étoiles" ou "le vaisseau fantôme" (n'importe quoi !).
Si j'en parle si longuement, c'est que ce film (après Akira, il est vrai) est le 1er "vrai" film d'animation japonais que j'ai vu (ça remonte à… ouhla, 1992 !). Malgré cette version complètement dénaturée par les américains, je me rappelle avoir été complètement sur le cul devant tant de maestria dans l'art de mettre en scène des personnages crédibles dans un univers pourtant imaginaire mais tout aussi crédible…
Je vous invite vivement à faire un tour sur ce site, qui est la référence francophone concernant les œuvres de Hayao Miyazaki, et plus globalement les films sortis du mythique studio Ghibli.
http://www.buta-connection.net
Le studio Ghibli sera fondé par Miyazaki et son compère Isao Takahata (Le Tombeau des Lucioles, Mes voisins les Yamada) suite au succès de Nausicäa.
S'ensuivra une longue série de long métrages dont une majorité réalisés par Miyazaki :
- Le chateau dans le ciel (Tenku no shiro Laputa - 1986)
- Mon voisin Totoro (Tonari no Totoro - 1988)
- Kiki la petite sorcière (Majo no takkyubin - 1989)
- Porco Rosso (Kurenai no buta - 1992)
- Princesse Mononoke (Mononoke hime - 1997)
- Le voyage de Chihiro (Sen to Chihiro no kamikakushi - 2001)
- Le château ambulant (Howl no ugoku shiro - 2004)
… et autant de petits bijoux de l'animation qui méritent d'être vus et revus, et même rerevus.
Ils sont tous sortis au cinéma en France (le dernier en date est Nausicäa, dans sa version intégrale bien sûr) et sont disponibles en DVD.
Je reviens sur le documentaire de la NHK. Une caméra a suivi le maître pendant 3 mois. UNE seule caméra (un camescope HD en fait) car Miyazaki qui déteste en général les interviews a exigé qu'il n'y ait qu'UNE personne présente. C'est que le bonhomme est plutôt bourru et sévère ! Si les films ont cette qualité légendaire, c'est aussi dû à son côté dictateur ! Les périodes de production des films s'assimilaient au goulag et plus d'un animateur valeureux a quitté le navire, écœuré par tant d'exigence...
Et quand on voit ce que Miyazaki s'inflige à lui-même, on comprend mieux : on le voit arriver tout les matins (en 2cv !) à son atelier privé (où il travaille seul), atelier qui est en fait une maisonette entourée d'arbres (c'est un amoureux de la nature). Il se fait un café (manuellement avec une vieille cafetière) et il se met au boulot non-stop jusqu'au soir 22h environ. Sans relâche... Toute une vie consacrée au travail, comme Osamu Tezuka et sa production plethorique, il semble avoir fait une croix sur toute vie de famille. On le voit toutefois avec sa femme qui a l'air de très bonne composition.
L'intérêt de ce documentaire est qu'il montre MIyazaki jeter les premières ébauches de son nouveau film ! On voit vraiment les premiers traits de crayon se tracer sur le papier (anecdote : avant il utilisait un crayon HB mais avec les années de labeur, sa main droite a perdu en force et il est obligé d'utiliser du 5B - très gras - pour pouvoir tracer des traits dignes de ce nom) ! Puis il passe à la couleur. On le voit donc créer une série d'"images boards" qui donneront le ton à l'équipe qui va se mettre au travail quelques mois plus tard.
Puis il révèle le titre de sa prochaine œuvre : "Ponyo" (exactement "Gake no ue no Ponyo", Ponyo sur une falaise), l'histoire d'un petit garçon de 5 ans qui rencontre une petite fille-poisson. 80% des scènes se passant sous l'eau, ça représente un sacré challenge !
Le film est prévu pour sortir durant l'été 2008.
On le voit aussi assister à la projection du dernier film des studios Ghibli ("les contes de Terremer" - Gedo Senki) qui est l'œuvre de… son fils ! Goro Miyazaki. Un grand moment de solitude pour son fils, car Miyazaki père quitte la salle en pleine projection, visiblement consterné ! En guise de commentaire, il dira à la caméra à propos de son fils "il n'est pas encore adulte, il ne faut pas faire un film en se basant juste sur ses impressions"). On sait qu'il l'avait longtemps empêché de faire ce film car il ne l'estimait pas prêt à passer directement à la réalisation. Ça s'est confirmé ! D'ailleurs le film a moins bien marché que les autres œuvres du studio...
Vers la fin du documentaire, on voit Miyazaki partir seul pour travailler à Setouchi dans la maison de vacances d'amis à lui. Se promenant, méditant en alignant clope sur clope, le maître engueule à plusieurs reprises le caméraman dont la présence gêne visiblement le maître !
Il finira par dire que sans son travail, sans cette activité créatrice, il ne pourrait pas vivre…